Ils sont tenaces et aussi collants que du chewing-gum ! Les poils se hérissent sur mes bras lorsqu’une bonne âme me dit chez le coiffeur : » Quelle chance vous avez d’être enseignante. C’est un métier facile. » Euh ? On parle des mêmes personnes ? Là, l’envie de secouer le cocotier me démange : » Viens dans ma classe une semaine et j’irai couper les tiffes à ta place ! «
Non, c’est fort dommage mais être enseignante n’est plus une chance. Il fu peut être une époque bénie où les élèves étaient attentifs, avides de savoir, sages. Il paraît que cela a existé. Oui, oui, des collègues en parlent encore des mômes bien polis. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Entre ceux qui ne nous respectent plus car on a le malheur d’être une femme, qui répondent ( ben lui, ils font pareil à la maison ) et ceux qui soupirent à chaque leçon ou projets, la coupe est pleine !
Que cessent les préjugés envers la castre enseignante. Ce ne sont pas des nantis. Avec un salaire de misère malgré un niveau master, ils ne peuvent se payer deux mois de vacances. Au passage, je rappelle que les contrats d’enseignants sont payés sur 9 mois. Et oui, même si l’étalement se fait sur douze. Pour dire à quel point même avec Bac plus cinq, le salaire est au final minable.
50% des enseignantes partent avec 1500€ brut de retraite car les années à s’occuper de ses propres enfants n’est pas pris en compte. Ce sera mon cas qui comptabilise cinq grossesses ! Honteux, non ?
Quant à l’enseignant qui se la coule douce ( même s’il y a des fumistes partout ) il faut rappeler qu’un enseignant n’arrive pas en classe les mains dans les poches. Il a passé des heures à préparer sa leçon, à articuler les différentes compétences, à harmoniser un emploi du temps le plus sympa possible pour les enfants. En tant que prof des écoles, on est pluridisciplinaire, une aberration où on doit se plonger dans une séquence d’anglais quand on n’en parle pas un mot, maîtriser le sport, les arts visuels et même les outils informatiques. Alors on se forme sur notre temps Perso pendant que le commun des mortels, lui, rentre, se met les pieds sous la table et sirote son apéro. L’enseignant, lui, continue ses recherches pour trouver une sortie sympa, pour découvrir un livre nouveau qui donnerait envie à des enfants démotivés. On y croit et le premier Septembre, on est plein de passion.
Qui ne dure pas !
Et voilà que l’on nous met dans les pattes les nouveaux rythmes scolaires qui n’en ont que le nom. Adieu le privilège du
mercredi matin. Quel jour reste-t-il aux enseignants pour faire leurs examens de santé, emmener le petit chez le médecin, s’occuper des papiers administratifs ? Les vacances ? Choisissons nous de tomber malade ? Nous voilà avec un système aberrant où des élèves ne tiennent plus la route avec la fatigue du
mercredi matin, où les élèves déjà difficiles ne sont plus attentifs. Remarquons que le bilan positif n’existe que dans les villages ou villes avec de bons financements. Où est l’égalité des chances ?
67% des enseignants de plus de dix ans de métier sont au bord du burn out. Inquiétant pour des professions qui s’occupent d’êtres en construction.
Quelle chance d’être enseignant ! Non, ce n’est pas une chance de devoir corriger ses copies en rentrant le soir, d’avoir la tête qui implose. Cela devient un véritable calvaire. J’ai adoré mon métier, j’ai adoré monter des projets me prenant des heures personnelles dans le but de donner une chance à des élèves difficiles, d’en faire des citoyens , de croire qu’il y a de l’espoir au bout du tunnel, même si on n’a pas que des surdoués.
Aujourd’hui, je suis découragée.
Entre une hiérarchie avec laquelle on doit jongler, des élèves qui n’en ont plus rien à faire des valeurs de notre société, des parents hypocrites, la bouche pleine de miel et qui à la moindre mauvaise note sortent le fusil pour tirer.
J’ai subi l’agressivité de certaines mères, débordées déversant leur colère car il faut bien quelque sur qui se défouler, d’autres ne supportant pas que leur ange n’ait plus son auréole étincelante et comme il faut un coupable, qui de mieux que l’enseignant ?
Dans quinze jours, je vais retourner préparer ma classe, à reculons. Je n’y vais plus la fleur au fusil. Je suis prête à échanger ma place à qui la veut, contre un boulot même routinier. Ne plus avoir à supporter six heures de un bruit incessant mettant mon coeur à dure épreuve ( on ne peut empêcher des élèves au XXI e de bavasser ), ne plus gérer les conflits des cours de récréation où plus de 450 enfants hurlent, se battent, se disputent, ne plus avoir à subir les préjugés des parents qui pensent que je ne suis qu’un simple objet appartenant à l’éducation nationale.
Je passerai sur l’ambiance même du monde éducatif, pesante, oppressante.
Alors madame la coiffeuse, non, je ne suis pas chanceuse d’être enseignante. Je suis payée une misère pour bosser bien plus que les quarante heures légales, je perds un peu plus de mon énergie chaque année et surtout je n’ai plus la flamme. Si j’étais la seule, ce ne serait pas grave, mais on est si nombreuses dans ce cas.
Quand notre ministère va-t-il en tenir compte ?
J’ai 55 ans. Avant la retraite pour les enseignants étaient à cet âge. C’est qu’il y avait une raison. Aujourd’hui, nous finirons en déambulateur, sourd et complètement séniles, enseignant des inepties car notre mémoire nous fera défaut.
Est-ce normal ?
Je suis en pleine réflexion :
survivre en serrant les dents quitte à continuer à détruire ma santé, à en arriver à haïr un travail que j’ai tant aimé, ou faire un autre choix, retraite anticipée ou reconversion ( chose fort difficile à obtenir !)
Même démissionner s’avère impossible pouvant toucher ma retraite grâce à mes enfants ( 858€ par mois, qui peut vivre avec ?)
Que dois je faire ?
Au moins continuer à écrire pour crier :
Non, en 2015, être professeur des écoles n’est plus une chance ! Enseignement un jour, enseignant toujours, qu’ils disent …. Euh, à réfléchir, pas si sûr …