La publication d’un manuscrit
Que de mots, que de larmes, je lis chaque jour sur les réseaux sociaux à m’en briser le coeur. Pathétiques ces auteurs en recherche d’éditeurs, prêts à tout pour un contrat signé, rêvant déjà d’une communication médiatique, pourquoi pas du prix Goncourt pour un premier ou second roman ?
Lamentables ceux qui entretiennent ces faux espoirs. Je lisais dernièrement un article dans un grand canard, et la réalité est tout autre. Autant on peut se dire auteur, c’est à dire une personne qui s’adonne à l’écriture, autant ce n’est pas parce que l’on est auteur que l’on est écrivain. Il existe même un fossé immense, et d’un côté, d’un seul, se trouve tout simplement le talent.
Il faut rendre à César ce qui lui appartient. Dans les éditions connues, un seul manuscrit sur 6000 est accepté et dans 50% des cas, ce dernier connait un ami d’un ami d’une personne liée à l’édition en question. En clair, un sur 12 000 !
Et sur ces grandes éditions comme Gallimard, Lattès ou Actes Sud, plus de 250 manuscrits sont « ceux d’amis, d’amis en haut de la pile pour au final moins de dix publications par an.
Tout de suite, ces chiffres remettent les pendules à l’heure. Vous y croyez toujours au possible ?
Injustice disent certains. Je dirais plutôt coup de poker. Comment peut-on décider quel livre sera le bouquin favori des français pour le prochain été ? Actuellement, jusqu’en Mars, et je ne pense pas me tromper, seuls les ouvrages politiques feront la « une » à cause des présidentielles. Et on se moque si le livre est mal écrit, si son contenu est diffamatoire, pire s’il l’est cela n’en sera que plus juteux. On se retrouve bien éloigné des auteurs comme Yourcenar, Zola, Hugo et tant d’autres.
Aujourd’hui, les gens n’écrivent plus vraiment de la littérature, et je fais certainement partie de cette masse pensante à la différence que je refuse de me revendiquer écrivain. J’ai un métier que j’aime et jouer de la plume est juste un plaisir comme beaucoup d’autres.
Mais trop de jeunes auteurs sont convaincus d’avoir fait le manuscrit hors norme alors que leurs mots sonnent creux, sans force, sans exception.
Pour être ciblés par une grosse édition si on n’a pas de relations dans ce milieu, il faut vraiment sortir du lot.
Au final, gardez, chers auteurs en quête d’éditeur, une certitude. Avant d’être un écrivain, un vrai, qui pourra écrire ses manuscrits sur sa chaise longue au bord de la mer, il se passera des années, voire peut-être jamais. Il vous en faudra écrire des romans différents, inédits, sans faute de style ni d’orthographe. Il vous en faudra du temps pour vous faire connaître en amont, car il ne faut pas se leurrer, l’époque où Pivot faisait ses émissions de télé est révolue. Ce n’est pas un petit article dans le journal local qui va vous faire être le futur Rowling.
Extrait d’un article » Chez Grasset, Martine Boutang, directrice littéraire chargée des premiers romans, reçoit entre dix et quinze manuscrits par jour ; seulement cinq paraîtront dans l’année. »
Tout est dit !
Faut-il désespérer pour autant ? Je pense que l’on peut toujours tenter, mais ne pas se faire trop d’illusions sinon on se sentira très vite, nul, sans intérêt. Gardez les pieds sur terre, et quand vous commencerez à avoir un petit lectorat comme moi, vous serez surpris de recevoir des propositions de contrat de petites et moyennes éditions. Mais quitte à signer pour des chaines, autant qu’elles soient en or massif et sur le devant de la scène, parfois, les petites n’ont pas une com d’enfer ni le premier prix du Goncourt, mais elles ont un petit plus que n’ont pas les autres, une âme.
La chose est certaine. Il ne faut pas se leurrer. Nous ne sommes rien, ou presque. Et même si c’est injuste.
Parce que oui, c’est injuste de donner le meilleur de soi, loyalement et de ne pas faire l’objet de la plus petite attention, tout cela au profit de « gens ciblés » qui font les devantures des librairie et autres centres dits culturel
Article très juste et sans illusion. Comme tu le fais remarquer avec raison, jusqu’aux élections, nous allons être envahis par les livres des politiques et de ceux qui écrivent sur les politiques. C’est une catastrophe pour nous éditeurs. Avec une amie responsable libraires dans un groupe, nous nous posions la question : que peut-on publier en ce moment ? La qualité de la rentrée littéraire est en baisse (cela frappe tout le monde, alors en encense des romans dont on ne parlerait pas d’ordinaire) et la rentrée de janvier/février annoncée est une catastrophe. Pour nous tous petits éditeurs, la question est comment exister ? Surtout comment exister dans cette année catastrophique où Zemmour est en tête des ventes, suivi du livre du Hollande, puis des lettres de Mitterrand etc. Il est de plus en plus difficile de prendre des risques. Qu’on soit en haut ou au début de la chaine du livre. Parce ce qui fait vivre un éditeur ce sont les ventes. Sans vente, surproduction et faillite annoncée. Il nous a fallu du temps chez FFD pour réfléchir à la politique de la maison : beaucoup publier ou publier des écrivains déjà connus ? Cela a été une longue réflexion. Nous recevons nous aussi des manuscrits soit par la poste, soit par mail. Mais, comment expliquer aux gens que tout le monde ne peut pas écrire et que surtout on se moque des autobiographies et autres, mais le constat le plus terrible est la qualité plus que médiocre de l’écriture. Je suis très en colère contre les réseaux sociaux qui ont permis à des gens de se prendre pour des écrivains. On est blogueur donc on sait écrire. Mais combien de blogs à pleurer ? De posts bourrés de fautes d’orthographe, de pseudo critiques de livres qui sont affligeantes ? C’est encore un métier d’être critique littéraire et il y en a peu qui ont du talent même dans le Monde des livres. Je ne crois pas, en revanche, au génie méconnu. Un bon manuscrit trouvera toujours son éditeur. En revanche, je suis effondrée par le nombre de livres kleenex pubiés ! Des ouvrages nombrilistes ou sur un sujet de société avec une écriture d’où est absente toute représentation. Cela fait mal.
Quant à toi, tu es un écrivain. Nous en avons souvent parlé et je n’en démords pas.
Même si je ne partage pas la vision du pathos qui découle de celui qui cherche en vain à accomplir ses rêves, parce qu’au fond, c’est de cela qu’il s’agit (et j’aurais plutôt tendance à envier celui qui croit en lui avec une telle force), le rappel est d’une belle justesse. J’écris chaque jour, j’ai été publiée et pour autant je ne me dis pas non plus écrivain, il me semble que ce terme ne sied qu’à ceux qui vivent de ce métier (c’est une vision sans doute un peu con-con mais je peine à me la sortir de la tête).
Bonnes vacances, bonjour à la Normandie que j’affectionne particulièrement et, surtout, belles lectures à vous !