Le temps qui nous efface, le corps de Léwy et les maladies de la mémoire
L’espérance de vie se rallonge, certes, mais à quel prix ?
Lorsque le temps efface notre mémoire, lorsque nous perdons bien plus que nos souvenirs, nous perdons aussi notre raison d’exister. Avez-vous déjà parlé à des personnes âgées dans des maisons médicalisées, scruté leurs regards vides et soudain y voir briller une lueur, celle du possible ? Vous êtes entrés, ils vous ont vus, pas reconnus, mais vus comme un « possible ». Je vis cela fréquemment lorsque je vais voir ma maman, arrêtée souvent par un brave monsieur au sourire d’enfants qui me regarde comme si j’étais le messie, sans retenir qui je suis vraiment, d’autres résidants les yeux dans les nuages, me touchent du bout des doigts, un peu comme pour se rassurer, j’existe, ils n’ont pas rêvé.
Ma mère est atteinte de la maladie de Parkinson associée à un corps de Léwy, maladie cognitive complexe puisqu’un jour, elle peut avoir toutes ses facultés et le lendemain, ce sera le chaos dans sa tête. Encore une maladie dont on parle peu et pourtant, après la maladie d’Alzheimer, il s’agit de la deuxième cause la plus fréquente de démence dégénérative. Pourtant, ce n’est pas une maladie facile à vivre, ma mère est sujette d’hallucinations depuis presque trois ans, percevant animaux ou personnages comme s’ils existaient, inventant des scènes de vie n’existant pas et se heurtant parfois ainsi à des difficultés relationnelles avec les soignants, souvent conditionnés aux symptômes d’Alzheimer, et non à cet effet de yoyo que véhiculent ces malades de Léwy. Difficile à vivre pour les proches, ne sachant jamais que dire ou que faire. Combien de fois, je suis allée la voir et je me suis retrouvée dehors car ce n’était pas moi qu’elle voulait voir. On parle toujours de la souffrance du malade qui est difficile, mais celle de l’entourage n’est guère mieux. Encore un domaine où on n’est guère soutenu !
Ce temps qui nous efface, ce temps contre lequel nous avons couru toute notre vie, un jour nous est ainsi simplement repris. Et cela fait peur. Pourquoi nos politiques s’obstinent-ils à rallonger la retraite jusqu’à plus d’âge ? Est-ce pour donner du sens à leur éligibilité à 70 ans ? J’avoue que cela me fait grincer des dents. Si c’est pour terminer sur un effacement, pourquoi ne pas nous laisser juste, entre les deux, un peu de temps pour rêver
La langueur du patient désarmé en institution pour personnes âgées !
Moi non plus je ne m’y suuis jamais habitué. Pourtant j’étais du bon côté de la « barrière » pour comprendre. Et, j’avoue, je n’ai pas toujours su quelle attitude adopter, pas toujours su avoir la patience de réexpliquer, relativiser, et hélas réconforter.
Être âgé et ses corr »laires n ne sont pas des maladies, tout juste des manquements…
Manquement de chance du vivre ordinaire, dans le paisible d’un souffle qui patiemment s’éteint