Lorsque les heures sont comptées.
Sensation terrible, violente, de se retrouver au pied du mur, impuissant, sans pouvoir dire un mot. Ces minutes qui comptent doubles, ces heures qui annoncent la mort.
Qui ne l’a pas vécu une fois dans sa vie ne peut se permettre ensuite juger les autres.
Ces couloirs blancs qui sentent déjà le souffre, cette peur sur les visages, ces yeux rougis que l’on croise sans oser regarder.
Souffrance infime, souvenirs ineffaçables.
La première fois que j’ai mis les pieds au neuvième étage en pédiatrie de l’institut Gustave Roussy, je tenais mon fils de deux ans par la main. Le verdict était tombé quelques jours plus tôt, cancer incurable, six semaines à vivre.
J’ai trainé mes chaussures durant un an dans cet espace aseptisé, luttant contre la fatalité, contre le Destin. Le crabe a gagné, mais j’ai eu aussi l’impression de ne pas avoir perdu sans me battre. Il n’avait que trois ans lorsqu’il a franchi la lumière, j’en avais juste vingt-huit, il y a presque trente ans, hier …
Durant des années, je me suis battue aux côtés d’associations pour aider des parents à se relever, à vivre autrement, à sauver leur mariage là où moi, j’ai échoué. Et puis, les heures ont passé, la vie a repris sa place. Oh non, je n’ai rien oublié ni l’odeur ni la peur ni cette boule à l’estomac ni cette difficulté à rire lorsque l’on n’a qu’une envie pleurer.
J’ai survécu, étonnant non ? Sans antidépresseurs sans drogue, juste en me raccrochant à cette idée que tout a un sens, que ces heures comptées avaient une raison cachée, mais une raison.
Aujourd’hui, je parle peu de lui, j’y pense souvent. Il fait partie de moi. Certaines personnes m’ont bien pourri la vie durant toutes ces dernières années, à ne pas vouloir comprendre, à me juger parce que je n’étais pas à terre, à stigmatiser un deuil pour en faire une arme en leur faveur, la pointant jalousie stupide simplement parce que je me relève toujours. Jugeant pathologique mon aptitude à être encore heureuse, amoureuse de la vie, alors oui, mesdames, messieurs les imbéciles, j’y crois, car lui y croyait aussi, il l’aimait tant, la vie !
Aujourd’hui, pour quelques secondes, j’avais envie de faire une pause sur ce blog bien respectable, afin de parler de lui, mon fils, ce petit bonhomme qui s’est battu contre l’impensable, jusqu’à la fin, jusqu’à son dernier souffle. Peut-être parce que ces derniers jours, je fus bien souffrante, et ce n’était pourtant pas mon heure, mais un jour, mes heures à moi seront vraiment comptées, j’espère que je verrai la lumière, celle de son puissant amour, qui ne m’a jamais quittée.
Il n’y a aucun doute à cela !
Mais le plus tard possible s’il te plait
On ne peut pas oublier, c’est inscrit dans notre vie ces moments forts, ces jours où tout bascule pour toujours. Ces moments n’appartiennent qu’à nous, les autres n’ont pas à juger car ils ne peuvent pas se mettre à notre place. Bon week end Sylvie. Bisous.