À lui qui fut, qui est, qui sera à jamais
À l’heure où le monde est en ébullition face aux urnes de dimanche, mon coeur est bien loin de tout cela. Comme chaque année, je fais une sorte de retraite intime commencée il y a vingt jours, hommage pudique à celui qui n’est plus. Bien sûr, je suis attentive à ce remous politique, mais je m’autorise cette pause, loin du monde même si je travaille, pas toujours comprise car se mettre en retrait n’est pas jugé acceptable par tous. Je lui dois par respect pour sa force et son courage.
Dimanche, ce sera la journée électorale, mais ce sera aussi son jour « à lui », lui qui est aujourdhui ma force, lui sans qui je ne serai pas ce que je suis, lui dont on a essayé de se servir pour mieux me détruire.
Je suis un peu fatiguée au bout de tant d’années d’entendre certaines personnes me dire que c’est du passé, qu’il faut tourner la page, ne plus jamais y penser. Comment peut-on oublier quelqu’un que l’on a tant aimé, perdre un enfant ne peut se conjuguer au passé. Il faut le vivre pour le comprendre. Je revois son sourire éclatant, ses éclats de rire, sa main qui serrait la mienne quand il avait peur, ses caprices. Je revois ses grands yeux noirs où j’aurais pu toucher l’univers, cette sagesse que seul un enfant condamné pouvait appréhender.
J’en profite pour m’excuser si ces dernières semaines de mon absence des réseaux sociaux, d’avoir pu avoir parfois des mots un peu durs, pas assez compréhensifs envers certains. C’est un non-sens pour beaucoup, mais je sais que quelques uns me comprendront.
Aujourdhui, j’ai juste envie de dire, que même si je serai aux urnes dimanche, malgré un choix de candidats qui me laisse perplexe, ce n’est pas à l’avenir que je penserai, mais à lui, mon fils, mon amour, ma chair, qui est parti il y a vingt-neuf ans, pour qui je vis depuis la tête haute, puisant mon énergie dans son souvenir lorsque je flanche, évitant de laisser couler mes larmes parce qu’il ne voulait pas que je pleure.
Certains choisissent la Toussaint pour penser à leurs disparus, ce n’est pas mon cas. Il est le sang qui coule dans mes veines, mais je ne laisse la douleur des souvenirs me hanter qu’en cette période d’Avril, afin de m’autoriser à revivre ses derniers moments, ce dernier « je t’aime » que je lui ai dit avant d’entendre son cri, terrible, afin de pouvoir faire une croix sur mon calendrier et me donner comme un électrochoc, le pouvoir de monter une nouvelle marche, afin de me relancer de nouveaux défis. Je tombe avec lui pour puiser en ce 23 Avril ma nouvelle force.
Perdre un enfant est la pire douleur. Un conjoint, un parent, c’est le cycle de la vie, mais un enfant, c’est détruire un équilibre. On ne devrait pas survivre à son propre enfant. J’ai survécu, non sans cicatrice, mais je suis debout, et une fois encore en ce vingt-trois avril qui approche, avant de laisser ma peine pour un an dans le coffre de mes souvenirs, je veux lui chuchoter l’impossible, Christophe mon ange, comme j’aimerais que tu reviennes juste une heure même une minute, juste pour m’embrasser parce que ta mort n’aurait jamais dû arriver, parce que le cancer devrait être épargné aux enfants.
À mon fils qui fut, qui est et qui sera à jamais.
C’est émouvant, que ta retraite t’apporte ce dont tu as besoin même si c’est de lui dont tu aurais besoin. Il ressemble à Nicolas ton ange non ? bises
Nos mondes intérieurs n’ont ni à s’excuser, ni à s’exclure de nos mondes extérieurs. Parce que nos mondes intérieurs sont de ceux qui prolongent les vies extérieures…. Votre texte est très « touchant »