Ces livres que l’on n’a pas écrits
Tout auteur a en mémoire un livre qu’il aurait aimé écrire, et pourtant ces mots n’ont pas pu se poser sur le papier, comme s’ils étaient trop lourds à porter, comme si la plume refusait de bouger. Ce ne sont pas toujours des romans compliqués juste des histoires simples comme la vie. En tant que gribouilleur de phrases, on a toujours l’impression que tout a été dit, que tout fut publié, même les histoires bien tordues que l’on n’ose même pas inventées de peur de se retrouver en hôpital psychiatrique directement enfermée.
Et puis il y a surtout « le » roman, celui de notre vraie vie, celui que l’on pourrait écrire, mais que l’on n’écrira jamais, parce qu’il est plein de tiroirs secrets, plein de mots chuchotés, et surtout parce que personne ne le lirait. J’ai toujours trouvé présomptueuse les autobiographies. Qui peut s’intéresser à la vie d’un parfait inconnu ? Je reconnais que lire ce type de roman m’ennuie.
Pourtant, ce livre-là, nous l’avons tous écrit dans notre mémoire, au fil des jours, sur le pont de nos nuits, des pages pleines de petites réalités invisibles, le thé partagé avec un ami, la rose qui fleurit chaque année sur la terrasse comme une présence du passé, le sourire d’un enfant, la caresse du regard d’un vieillard qui passe. Ce livre où ton nom gravé pour l’éternité sera tenu caché.
Ce livre que nous n’écrirons jamais sera le seul que nous emporterons avec nous le jour du grand saut, le jour où la faucheuse viendra, le jour où ces pages se noirciront pour laisser une trace, peut-être tronquée, de ce livre que nous n’avons pas pu, ou simplement pas voulu, écrire.
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