Les larmes
Ces minuscules gouttes d’eau que l’on verse parfois et qui se transforment en torrent, cette pluie qui mouille nos yeux, signe de faiblesse pour certains, arme redoutable pour d’autres. Lorsque l’on côtoie l’univers des enfants, il devient facile de détecter le poids de ces larmes. Celui qui va éclater en sanglots sentant la punition méritée arriver, les larmes cachées de l’élève pudique, celles rageuses du caïd, et tant d’autres. Emphatique, je prends toujours ces rivières au sérieux même si je dessine un large sourire intérieurement, car tant de larmes sont offertes en victimes.
Les adultes sont un peu semblables aux gamins, certaines vont déborder un jour de colère, de grande peine ou de frustration, d’autres scintilleront juste au bout des cils, on croisera des larmes de joie résonnant face à une nouvelle que l’on n’attendait plus, les larmes de douleur, de frustration, celles d’une âme blessée ou torturée.
Les larmes ne sont pas pour moi signe de tristesse, elles peuvent l’être, parfois, mais seront souvent une forme de communication. Je t’offre mes larmes car je n’arrive plus à parler, je saigne de l’eau car la blessure est profonde. Mais on peut souffrir les yeux secs, on peut faire le deuil d’un proche ou d’un amour sans pleurer. La palme de la peine n’ira pas nécessairement à celui qui passera ses journées à pleurnicher. Je dirais même plus, ceux qui ne pleurent pas sont ceux dont il faut se préoccuper, car c’est souvent le signe que l’émotion restée figée à l’intérieur, bloquée sans pouvoir sortir.
Les larmes sont là pour nous rappeler simplement que nous sommes vivants, et surtout humains, souhaitons que le courant de la vie ne nous rende pas si dur que le puits arrive à se tarir un jour.
Il semblerait–je dis bien : il semblerait!–aujourd’hui que l’eau d’œil ne soit plus la marque de la faiblesse, de l’abandon des convenances, de la mollesse d’esprit…. bien au contraire. Les larmes se montrent de nos jour.
Je remarque même à l’heure où l’image « sociale » prend de l’envergure que bien des larmes s’affichent et deviennent un témoignage humain de l’émoi. Nous n’en sommes pas encore aux marques de la respectabilité, mais cela point sur les réseaux qui envahissent nos environnements.
A bien y réfléchir, il m’arrive de redouter que l’on marchande trop l’image de celui qui pleure, que cela devienne un standard social.
J’espère que la pluie d’yeux reste pour longtemps encore le voile pudique que l’âme bouleversée et que ne naissent pas ici ou là trop de faux semblants, que cela devienne de la bienséance ^_^