Doit-on tout dire ?
Il fut une époque où bien innocemment je pensais que tout dire était la chose la plus naturelle qui soit. C’était avant. La vie m’a fait réalisé que chacun avait sa vérité, et que certaines choses ne doivent pas toujours être dites simplement parce que l’autre a sa propre histoire et les mots ne résonneront pas pour lui à l’identique. Se confier à une personne, c’est un peu comme jouer une mélodie sur une harpe. Le son qui va en résulter sera doux à l’oreille, mais chaque individu ressentira cette musique différemment. Ce sera pareil pour la vérité. Nos sentiments, notre ressenti nous incitent à tout dire pour nous libérer du poids émotionnel, mais rarement nous imaginons comment l’autre va recevoir nos mots.
Qui ne s’est pas un jour retrouvé face à une déclaration d’amour non désirée, face à des confidences que nous n’attendions pas, d’être détenteur d’un secret que nous aurions préféré ignorer. Tout dire n’est-ce pas quelque part, au nom de l’amour ou de l’amitié, placer l’autre en position d’otage, enchaîné dans nos vies.
L’homme a tendance à vouloir tout dire pour alléger sa conscience en occultant la souffrance que les mots prononcés peuvent procurer. Avouer à sa compagne que l’on a un jour désiré une autre femme, n’est-ce pas lui tendre un fusil pour se faire sauter la cervelle ? Quel besoin de dire une telle vérité hormis faire du mal surtout si la liaison est terminée ? N’est-ce pas une manière de se dédouaner ? La culpabilité souvent véhiculée par une éducation moralisatrice incite trop souvent l’individu a avoué des erreurs passées au risque de semer le trouble dans un présent serein.
Peut-être était-ce au final l’utilité de ces curés d’antan et du confessionnal ? Éviter de dire tout haut ce qui pourrait détruire une vie en la confiant à une personne anonyme.
Seulement voilà, les curés, ce n’est pas vraiment la tasse de thé de notre société alors on va se confier aux amis.
Seulement, tout n’est donc pas à dire. Trop parler peut conduire à offrir à l’ami une arme redoutable qui se retournera contre nous un jour. La confiance ? On sait tous que sous l’effet de la colère, de la jalousie, du désir de pouvoir, ce sentiment disparait aussi vite qu’il est venu.
Il est donc important de savoir bien choisir ses vérités, de planter des graines, et de regarder comment les fleurs vont pousser. Ensuite, et seulement à ce moment là, on va pouvoir avancer sur la pointe des pieds, un peu comme une caresse, et si l’autre vibre sur les mêmes notes de musique que nous, alors, et seulement à cet instant précis, nous pourrons oser nous mettre à nu, sans artifice, tel que nous sommes vraiment, nous pourrons dessiner sur les lèvres de l’autre ces mots que l’on ne dit pas, ces mots qui peuvent tout changer, ces mots qui seront « notre vérité », ces mots que nous ne voulons partager qu’avec lui, ce petit jardin secret, ce sentiment si fort qu’il nous fait tout oublier, ce …
« je t’aime »
Seuls mots à pouvoir être dits.
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