Pourquoi souffrons-nous autant d’être abandonné ? Ce sera l’enfant perdu sur la plage qui se met à hurler pensant que ses parents l’ont laissé, celle qui va se trouver en désaccord avec son amie et se retrouve soudainement face à une immense solitude, la femme amoureuse qu’un stop venu de l’espace aura laissé sans voix. Les psys vous parleront d’un traumatisme lié à l’enfance soit par le biais d’une mère débordée ou pas assez aimante, du décès d’un proche, du rôle joué dans un couple fusionnel, une place que l’on n’a pas choisie, que l’on ne voulait pas, mais qui s’impose à nous.
Alors va naître cette angoisse terrible, cette peur d’être abandonné, cette peur de se trouver face à soi-même. Je ne vais pas faire de la psychanalyse à dix balles, chacun sait que cette peur est liée à un acte souvent oublié de notre passé qui va nous conduire à une terreur encore plus grande celle de ne pas être aimé.
En clair, « tu ne t’intéresses plus à moi, tu m’abandonnes car tu ne m’aimes pas voire pire tu ne m’as jamais aimé, cela implique que je ne vaux rien, que je ne suis rien, donc pourquoi dois-je continuer de vivre ? »
Le rejet de l’autre nous renvoie à ce phénomène d’abandon pouvant conduire à une véritable panique. Pour éviter être rejetées ou abandonnées, certaines personnes vont choisir la solitude, se murant dans une attitude désinvolte voire fuyante, refusant de montrer une once de sentiments. Ce rejet se transformera parfois en haine, en paroles blessantes, destructrices permettant alors de se conforter dans cette idée absolue, c’est l’autre qui ne m’aime pas, qui m’a quitté, qui m’a abandonné.
Ces personnes vont rentrer dans un cercle vicieux, persuadées que l’autre se joue d’elles, qu’elles ne sont pas sincères, qu’elles ne peuvent pas être aimées, donc qu’elles ne doivent pas les aimer.
Plus la personne prend de l’âge, plus cette douleur sera grande, alimentée par un vécu où l’abandon sera renouvelé une fois de plus, une épouse qui a claqué la porte, une mère décédée, un conjoint infidèle. La liste serait longue.
L’abandon d’un ami, d’un amour est une blessure qui va rester ouverte durant des années, une blessure invisible que nul ne pourra combler voire comprendre. Un enfant peut souffrir de l’abandon ( cas d’adoption par exemple), mais certains adultes auront aussi mal en sentant le désintérêt de l’autre. De nombreux couples vivent côtes à côtes tout en vivant ensemble. C’est une forme d’abandon. « Il » restera pour la mère de son enfant, car il ne peut rompre le lien avec le gamin, lien illusoire au final, qui ne se rompra jamais que la mère soit là ou pas, mais qui le rendra frustré et malheureux.
Alors peut-on guérir d’un abandon ? Je pense que l’on peut y arriver même si c’est très compliqué, même si cela demande beaucoup d’efforts. La mémoire n’effacera pas cette douleur, elle mettra juste un sens dessus, une raison, elle permettra de prendre conscience que même si c’est l’autre qui nous a abandonné, c’est nous et nous seul qui avons donné ce pouvoir à notre conscience. Nous nous sommes autorisés à souffrir peut-être par peur, peut-être en prévention, peut-être pour prolonger le sentiment qui était, peut-être pour ne pas lâcher nos sentiments. Peut-être avons-nous inconsciemment autorisé cet abandon ? Peut-être nous ne sommes pas assez battus pour le garder ?
Alors, soyons raisonnables, peut-être serait-il temps pour nous de cesser de regarder le passé, d’avancer, de nous poser la vraie question, avons-nous vraiment été abandonné ou bien était-ce juste une étape de notre vie ?