Ta souffrance t’a forgé
N’est-ce pas ce que l’on ne cesse de nous dire pour nous remonter le moral lorsque nous avons trop souffert ? La souffrance est bénéfique et forge le caractère. Je veux bien, mais entre nous, je m’en serai bien passée. Cela fait un peu pansement religieux que l’on essaie de mettre sur nos plaies. Toutes les souffrances ne sont pas bénéfiques. Certaines sont tellement brutales, incompréhensibles qu’elles nous plongent dans un climat de totale insécurité.
Certaines de mes souffrances furent un tremplin, comme la perte de mon fils. J’ai réussi, non pour moi mais pour mes enfants, à transformer cette douleur en un moteur qui m’a poussée des années tel le vent sur les voiles d’un navire. Et puis, j’ai rencontré d’autres souffrances, pourtant bien moins grandes, qui m’ont mises à terre. Je me suis sentie dépossédée de mon « moi ». Je me suis sentie réduite à « rien », des mots qui me furent rapportés, des mots qui brisent. Comment peut-on vivre si on n’est plus rien ? Alors d’abord on survit, ce que j’ai fait, en laissant son propre corps se détruire, ainsi on offre la victoire à ce « rien ». Peut-être inconsciemment on espère disparaître totalement, pour ne plus souffrir, pour ne plus chercher de réponses. On n’a plus de courage, on se dit que l’on a déjà tant vécu. Et puis un jour, car il y a toujours un jour, un événement nous pousse à sortir de ce grand sommeil. Finalement, on ne veut plus que la souffrance guide nos vies, on ne veut pas qu’elle nous forge, on veut simplement vivre. On comprend que se battre contre cette douleur ne sert à rien. Elle fut, elle est, peut-être qu’elle sera toujours là, mais c’est à nous de l’apprivoiser, de faire en sorte qu’elle ne soit plus qu’une simple cicatrice. On s’autorise donc un nouvel art de vivre, ce que beaucoup appellent la résilience, qui pour moi n’est pas une force, juste une nouvelle manière d’appréhender le monde qui nous entoure avec l’aide que les autres nous offriront. Car ce n’est pas la souffrance qui nous fait grandir, c’est l’amour ( au sens large) des autres.
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