Le monde enseignant
Il est rare qu’hormis une petite anecdote, je parle de ce milieu où j’use mes souliers depuis plus de vingt-cinq ans. J’ai toujours adoré enseigner, passionnée de la vie, je le suis aussi de cette jeunesse qui fait ses premiers pas de citoyen. Je me suis retrouvée à mes débuts avec l’étiquette de « madame projet-minute » collée sur le front. J’aime donner du sens à cette instruction que je dois à mes élèves, afin de les aider à tirer le meilleur d’eux-mêmes. Seulement, être enseignant est une sinécure à notre époque. Au nom de l’égalité des chances, on creuse encore plus l’inégalité. Le gouvernement se focalise sur les zones d’éducation prioritaire, mais les autres, ces « zones sensibles » comme celles où j’enseigne où une demie classe se retrouve avec des problèmes de lourds comportements, où apprendre est compliqué parce que le suivi parental est inexistant, pourquoi « cette catégorie » est-elle oubliée ? On assiste à des classes de plus en plus surchargées alors que ces enfants auraient besoin, à l’inverse, d’un effectif réduit pour casser les tensions et permettre de vivre un bon apprentissage.
Ce sera aussi dans ces zones difficiles mais jugées non prioritaires que l’argent manquera, pas de moyens, pas de possibilités d’offrir une pédagogie adaptée.
Quant au contenu des programmes, suis-je en droit, à quelques mois d’opter pour une retraite anticipée, de dire que cette valse des changements ne s’avère guère adaptée aux enfants à problèmes. Choix des méthodes de lecture qui ne cessent de changer, dictées, pas dictée, devoirs, pas devoirs, la liste est immense. Quand l’institution fera-t-elle confiance à ses enseignants ? Quand les parents, au lieu de reporter leurs rancoeurs d’enfance, travailleront-ils main dans la main avec nous ? Quand surtout cette aide à l’apprentissage hors de l’école, « aux devoirs » comme certaines villes l’appellent, sera-t-elle généralisée ? Car il ne faut pas se leurrer, plus les enfants sont de milieu défavorisé, et moins ils pourront, malgré la meilleure volonté du monde, trouver un équilibre entre école et maison, apprendre sereinement, et surtout réduire cette fracture sociale. Un vœu pieux ? Peut-être, mais pour moi, ce serait une main tendue vers « la culture et l’instruction » pour tous ….
Si j’ai bien suivi les choses (depuis que j’ai eu des enfants en âge scolaire) tout à relativement peu de choses, moyens matériaux et financiers mis à part, c’est autre chose.
Au fond du fond, c’est surtout la foi de celui qui porte la connaissance aux front des autres qui fait la différence. Que ce soit auprès des élèves qu’il faut former, scolairement éduquer, ou que ce soit auprès des parents qu’il faut sensibiliser à la nécessité de rester l’esprit ouvert à la découverte quoiqu’il arrive, l’important me semble d’être convaincu de bienfondé de ce qu’on apporte.
Après , la manière…. Bien sûr, il y a les directives (le tout contrôlé, sanctionné à l’occasion), mais il reste et j’entends bien que tu le portes l’envie d’ouvrir les pensées à un monde qui s’équilibrerait sur les bases d’un certain bon sens, armé de respect.