Le deuil blanc
On parle beaucoup ces derniers temps avec la recrudescence des maladies de la mémoire du deuil blanc. Le deuil blanc, c’est cette période où l’on perd bien avant lune personne atteinte de troubles de la mémoire, « disparaît » même si physiquement elle reste en vie.
C’est une épreuve terrible, pour la malade, mais surtout pour les proches. Voir ceux que l’on aime devenir transparent, inaccessible, ne plus voir cette lueur briller lorsque l’on arrive, c’est comme si on vivait l’annonce de la mort à chaque visite.
Je l’ai vécu violemment au début de la maladie de ma mère, sortant à chaque visite en larmes. Les gens ne comprenaient pas. Pourquoi cette souffrance alors qu’elle était là, bien vivante ? Vivante, oui, mais elle n’était plus « elle », je n’avais face à moi qu’une personne vivant dans un monde de cauchemars. Difficile de faire le deuil de ce qu’elle était, elle qui bougeait tout le temps, qui montait et descendait ses trois étages dix fois par jour. Le temps d’un souffle, celle qui bravait tout avec un optimisme à toute épreuve, n’était plus rien, juste une carcasse souffrante, vivant dans un univers parallèle dont je n’avais pas la clé.
Contrairement à Alzheimer, la Démence de Corps de Lévy est encore plus violente par ces moments parfois où on retrouve le malade avec toute sa conscience, un peu comme si on vivait une rémission qui ne cessait de rechuter. Je suis une résilente, j’ai donc au bout de nombreux mois réussi à m’adapter positivement, en ne regardant que les petits plus, ces moments où je vois encore ses yeux bleus briller, où elle arrive à distiller une pointe d’humour, ces instants précieux où elle continue à être pour quelques secondes « ma maman ». Curieusement, depuis que j’ai acquis cette sérénité, elle semble beaucoup mieux même si ce mieux ne dure pas une heure, mais je pense que j’ai simplement cessé de lui passer ma peur et mon anxiété.
Merci pour votre temoignage si bien écrit et qui decrit totalement ma situation avec mon papa atteint de cette sale maladie depuis plusieurs années déjà…