Le poids des mots
Chaque mot que nous prononçons a un prix à payer. La parole ne doit pas se distiller à l’aveuglette juste histoire de meubler du vide. Elle répond trop souvent à une réaction purement intuitive liée à un acte tout aussi intuitif. De là à s’imaginer la force de l’interprétation des faits, il n’y a qu’un pas. Regardez simplement une simple question sur une discussion que vous avez eu il y a quelques mois ou juste un an. Toute votre mémoire va tenter de se mettre en action, incluant votre propre ressenti, la manière dont vous avez entendu cette question, l’humeur lorsque vous l’avez entendue. On s’aperçoit vite que la formulation finale implique beaucoup de subjectivité.
Le poids des mots est lié à la force émotionnelle que nous y mettons. Nous sommes en colère, nous allons puiser au fin fond de notre âme dans le côté le plus noir, et cracher notre venin, à l’inverse, si nous avons envie de faire le bien, nous allons utiliser des mots qui chantent, qui illuminent la vie. Rien n’est jamais anodin, même si nous n’en avons pas conscience.
On s’en rend tout à fait compte en politique, par exemple, où chaque mot est choisi pour frapper, pour persuader, pour amener les autres à penser de la même manière.
La parole devient alors bien plus que des mots, une arme pour atteindre, pour toucher, pour faire du mal. Autant parler trop vite est pardonnable, car lié à l’émotion, autant user des mots pour détruire, pour réduire l’autre à néant n’a rien de positif. Comme disait Socrate avec son histoire des trois tamis, cherche si ta parole est vraiment utile.
Malheureusement, on n’échappe pas aux mots ! Et comme je l’ai déjà dit, les mots n’ont que le pouvoir que l’on veut bien leur donner. Trop souvent, l’ego (encore lui !) se met en travers. On se retrouve face à la Parole, sans avoir d’autres recours que de balancer à son tour (c’est ce que notre ego pense) alors qu’il faudrait juste apprendre à notre ego à se taire.
Je m’interroge pourtant souvent, ces mots qui pèsent si lourds, qui parfois sont tellement emplis de non-dits, sont-ils plus meurtriers que certains silences que certains veulent à tout prix ignorer ?
Beau très beau très très beau