Apprivoiser l’absence …
Malgré soi, on s’y était habitué à cette fichue maladie. Elle lui avait pourri sa vie, mais quelque part, petit à petit, on avait changé la normalité. D’enfant, on est devenu aidant presque le parent de notre parent. Bien malgré nous, nos priorités ont changé, notre vision de la vie voire parfois nos croyances. Nous étions rythmés par les visites ou les soins selon l’évolution de la maladie. Nous guettions inquiets le moindre changement, le plus petit espoir, comme si cet avenir annoncé pouvait soudainement s’effacer.
Ainsi les mois, les années se sont égrainés. L’homme a besoin de rituels et cette maladie s’est inscrite comme l’un d’eux. Notre vie était cloisonnée comme une armoire dans laquelle se trouvait de nombreux tiroirs. L’un d’eux t’était totalement consacré.
Et puis, il y a un mois, ce tiroir s’est vidé. Le livre de ta vie s’est définitivement refermé.
Douleur, peine, soulagement, que de sentiments se sont mélangés. Il n’en demeure pas moins qu’il subsiste une réalité, les visites, c’est terminé, les achats pour te donner le sourire, c’est à oublier, la porte de la maison médicalisée où tu étais installée, je ne l’ai plus jamais passée.
Il ne reste qu’un vide de toutes ces années, comme si d’un seul coup, c’est mon coeur à moi qui s’était stoppé. Tu n’es plus là, c’est une évidence que personne ne peut nier, mais l’absence, elle, a pris toute la place. Il m’arrive l’espace d’une seconde de commencer à me préparer pour te rendre visite ou regarder un pull que tu aurais aimé.
Tu as laissé en partant l’empreinte de cette maladie, encore trop lentement diagnostiquée, sans traitement à proposer si ce n’est cette issue que même tout l’amour du monde n’aurait pu éviter. Il me reste aujourd’hui une dernière étape, avant d’accepter de te laisser définitivement t’envoler : apprivoiser ton absence afin de me reconstruire de nouveaux rituels, autrement.
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