Le pardon
Ayant beaucoup d’amis juifs, j’ai eu une pensée pour eux dont c’était Kippour hier, la journée du pardon. De là à m’interroger sur ce « pardon » et en faire un article était une évidence. Si j’ai bien compris ce que m’ont expliqué ces amis, le grand Pardon est autant pour soi que pour les autres. Cela rejoint ce que m’a dit une thérapeute dernièrement, que pardonner ce n’est pas être faible, ce n’est pas oublier, c’est juste empêcher les autres de nous envahir d’énergies négatives qui vont nous asphyxier, nous détruire. Pardonner, c’est en profondeur, les effacer de nos mémoires.
Une mère dont l’enfant a été assassinée par un bourreau peut-elle pardonner ? Les déportés des camps ? Les victimes des extrémistes ? Et j’en passe … peut-être pour s’autoriser à vivre, oui …
Je pense toujours à cette peintre venue dans ma classe, enfant déportée où elle a perdu ses parents gazés, et qui avait pardonné en peignant la vie en rose ! Tableaux sublimes ! Elle avait dit à mes élèves : « la rancune est pour les imbéciles ! »
Venant d’une personne qui avait tant souffert, bravo !
C’est vrai qu’a bien y réfléchir, la rancune tenace, ça bouffe ! Autant, chacun peut se dire un peu rancunier, en cela que lorsque l’on est vraiment blessé, on n’a nul envie de recommencer, autant la vraie rancune est une calamité. La rancune mène à la vengeance parce que l’autre s’est senti humilié. Cela devient pour lui complètement obsessionnel, à tel point que souvent un fossé va se creuser par rapport à la réalité. Ces rancuniers vont jusqu’à cultiver la haine, jusqu’à croire dans leur vérité.
Ce sont des personnes qui boudent, qui ne pardonnent pas, qui s’enlisent dans leur certitude.
Je m’amuse depuis toujours à dire que je suis rancunière pour me débarrasser des personnes trop collantes, mais étant plutôt soupe au lait, je passe tout aussi vite l’éponge et surtout je ne sais pas bouder ! J’ai toujours trouvé que c’était une perte de temps. Rester rancunier, c’est une façon de conserver le pouvoir sur l’autre, de pouvoir à tout moment lui faire du mal, de lui rendre le mal qu’il a fait. Seulement c’est une attitude stupide, la rancune tenace, car cela bloque la personne à un moment T d’une vie. Il faut savoir dire stop à ces pensées nocives qui empêchent d’avancer.
On ne peut pas refaire le passé, on ne peut le changer, on peut juste tenter d’oublier, même si l’oubli reste un concept.
Il est donc sain d’en vouloir à une personne qui nous a fait du mal, mais cela devient terriblement malsain si cette rancoeur s’installe sur des années, particulièrement avec des envies de détruire l’autre. C’est là où le pardon intervient, dans ce petit tiroir qu’il faut laisser fermer, car il y a tellement de jolies choses à vivre sans ce poids sur les épaules.
Le pardon …
Oui, bien sûr, il est nécessaire, souvent plus à soi que pour les autres d’ailleurs tant agir contre est une incitation personnelle à nuire, blesser et être ainsi n’octroie aucun intérêt aux autres.
C’est fini, et bien qu’on ait tenté de m’y porter de long temps, je n’entretient pas de relation avec ceux qui m’ont fait des crasses ou en ont fait aux gens que j’aime tout particulièrement. En ce sens, pardonner, cela ne me paraît pas vraiment utile, ne devant pas laisser se poursuivre des contacts qui n’ont plus lieu d’être, c’est une bulle vide de sens lancée dans le vent.
En revanche, mon pardon plein, entier va toujours à ceux qui par méconnaissance, maladresse ou incompréhension m’ont accessoirement porté atteinte,blessé (mais là il faut y mettre la dose !) ou atteint autrui. On a droit à l’erreur, à la bévue, elle n’est pas intentionnelle, cela mérite le pardon.
Et je crois bien que c’est le sens profond du pardon: permettre à l’autre de se reprendre, effacer l’ardoise, ne pas laisser de trace malsaine dans une relation qui n’en recèle pas.