La maladie de Basedow et les enfants
Je parle beaucoup plus souvent de la maladie auto-immune Hashimoto, en étant atteinte, mais Basedow est une autre maladie auto-immune de la thyroïde. Une maman a été désireuse de faire connaître le cas de sa fille que nous nommerons Juliette afin que l’on sache que « cela ne touche pas que les adultes » !
« Hier matin, Juliette fixait son pilulier et m’a dit : « Tu te rends compte, maman, ça va bientôt faire un an que je prends ces cachets … ». Et moi de lui répondre : « Et oui ma grande et il va falloir les prendre encore pendant plusieurs années … ». Juliette m’a ensuite demandé ce qu’il se serait passé si nous n’avions pas découvert sa maladie. Je n’ai pas su quoi lui répondre, si ce n’est que nous avons eu beaucoup de chance et qu’il fallait se concentrer maintenant sur la guérison.
Voilà bientôt un an que l’on a diagnostiqué à Juliette la maladie de Basedow. En novembre 2019, mon mari et moi sommes régulièrement surpris des crises de larmes de notre fille, de son irritabilité. Juliette est nerveuse et nous ressentons que cette tension est profonde sans pouvoir nous l’expliquer. C’est ma maman, la grand-mère de Juliette, qui la première évoque les symptômes de la maladie. Juliette a les traits et les yeux tirés, semble très souvent fatiguée. La grand-mère de Juliette connaît bien cette maladie puisqu’elle en est atteinte mais est en rémission depuis plusieurs années.
Pendant les vacances de Noël, je remarque également que lorsqu’elle penche la tête en arrière, elle a un léger renflement à la base du cou. Nous décidons de consulter son pédiatre.
Lorsque nous le rencontrons en janvier, ce dernier semble sceptique : « la maladie de Basedow à 9 ans, c’est extrêmement rare. En 30 ans, de carrière, je n’ai jamais vu un enfant atteint de cette maladie. » Et pourtant, à l’auscultation, il faut se rendre à l’évidence, le tableau clinique de notre fille est très évocateur : tachycardie, nervosité, base du cou enflée, pas de prise de poids depuis de nombreux mois. Notre fille fait alors une prise de sang pour contrôler sa TSH. À la lecture des résultats, nous comprenons rapidement qu’il s’agit bien d’une thyroïdite.
Ensuite tout va très vite. Son pédiatre contacte l’hôpital pour enfants le plus proche de notre domicile et notre fille est hospitalisée pendant trois jours.
À l’hôpital, les médecins et internes que nous rencontrons ne veulent pas encore parler de la maladie de Basedow. Ils souhaitent effectuer plusieurs examens avant de se prononcer. Ce que je ne leur dis pas c’est que l’infirmière au moment de nous donner la chambre a appelé la cadre : « Tu m’as dit qu’on l’installait à quelle chambre, la petite Basedow ? ».
Dès le premier jour d’hospitalisation, Juliette commence son traitement : des antithyroïdiens de synthèse pour réguler l’activité de la thyroïde et des bêtabloquants pour aider à ralentir le cœur. Elle enchaîne les examens : prises de sang, ECG, écho du cœur et de la thyroïde, âge osseux, ostéodensitométrie. Les médecins veulent s’assurer que la maladie est récente et qu’elle n’a pas entravé la croissance de notre fille.
L’équipe médicale réussit à dater le début de la maladie et nous assure que cela n’a pas affecté sa croissance. On nous annonce que le traitement devrait durer entre 2 et 4 ans, car elle est jeune.
Après trois jours, notre fille supporte bien le traitement et peut rentrer à la maison. C’est le début de la vie de Juliette avec la maladie de Basedow. Elle est dispensée de sport pour un mois. Depuis septembre, son corps a été mis à rude épreuve, il est nécessaire de le ménager.
Nous écrivons au directeur de son école pour lui expliquer la maladie de Juliette. Par chance, son état n’a pas eu de conséquences sur son travail scolaire et un PAI (Projet d’Accueil Individualisé) n’est pas nécessaire.
Nous achetons un pilulier pour éviter les oublis. Toute la famille pense aux cachets, même son petit frère.
Juliette enchaîne les prises de sang tous les 10 jours pour s’assurer que le traitement va dans le bon sens et qu’il est toujours bien toléré.
Nous l’accompagnons très régulièrement à l’hôpital pour des RDV de suivi. Elle rencontre notamment « une infirmière éducation » qui lui explique le fonctionnement de la maladie et s’assure qu’elle a bien compris l’importance de prendre son traitement.
À chaque changement de dosage, nous percevons une dégradation de l’humeur de notre fille et une dizaine de jours est nécessaire pour que son état se stabilise.
Nous consultons également plusieurs ophtalmologistes. L’exophtalmie de Juliette est légère et les personnes qui la rencontrent après le début de la maladie ne remarquent rien. Pourtant, nous souhaitons bien appréhender le sujet pour prévenir une éventuelle aggravation du symptôme qui pourrait être irréversible. Les médecins s’accordent à dire que l’IRM n’est pas nécessaire et qu’une investigation plus approfondie et un traitement aux corticoïdes ne le sont pas non plus. On lui prescrit néanmoins des lunettes de repos pour ménager ses yeux.
Parallèlement à la prise en charge médicale, nous demandons un suivi psychologique. Les tensions au sein de la famille ont parfois été très fortes ; il faut retrouver de la sérénité et s’assurer que Juliette est partie prenante du traitement.
Le dossier administratif est perdu, nous devons attendre plusieurs mois avant de rencontrer un psychologue.
C’est un casse-tête pour nous parents, nous devons être disponibles pour les RDV médicaux/psy mais aussi pour répondre aux questions de notre fille : « Pourquoi elle ? pourquoi à cet âge ? Quand le bon dosage va-t-il être trouvé ? ». Tant de questions auxquelles, nous n’avons pas de réponse.
Nous sommes régulièrement tiraillés entre le fait de la ménager parce qu’elle est fatiguée et l’envie de la stimuler parce que nous ne voulons pas que la maladie l’empêche de découvrir de nouvelles choses ou activités. Nous mettons aussi du temps à comprendre ce qu’elle ressent. J’échange avec des adultes atteints de la maladie ; ma maman et une amie. Toutes les deux, me disent que le quotidien est assez compliqué tant que le bon dosage n’a pas été trouvé. L’humeur oscille, tantôt l’euphorie, tantôt l’envie de pleurer. Pour nous parents, il est difficile d’accepter cet état pour notre enfant si jeune.
Après 8 mois de traitement, le bon dosage est trouvé et la maladie est dite « calme ». Juliette retrouve une vie quasi normale. Les RDV médicaux, les prises de sang s’espacent.
Entre le suivi psy et le bon dosage, son humeur est bien meilleure et cela facilite le quotidien de toute la famille.
Si ses résultats scolaires n’en ont jamais souffert, nous nous rendons compte que notre fille n’a plus besoin de multiplier les efforts cette année pour obtenir les mêmes résultats. Nous sommes toujours très attentifs au moindre signe de rechute et à son état de fatigue et essayons de l’aider du mieux que nous pouvons. Nous ne nous autorisons pas à penser à une éventuelle récidive.
En tant que maman et femme, je me demande très souvent comment cela va se passer pour Juliette lorsqu’elle aura un projet de maternité. Les médecins et les psys me rassurent et avancent que la médecine fait des progrès chaque jour et qu’il vaut mieux se concentrer sur le présent et le bon suivi du traitement. Cela ne m’empêche pas d’être très inquiète.
Écouter, l’écouter, la ménager, comprendre, rester en veille, se faire confiance, lui faire confiance, ne rien lâcher : telles sont les aptitudes que nous avons et que nous aurons à développer pour l’accompagner au mieux. »
Un très beau témoignage et nous souhaitons tous une bonne évolution à Juliette.
L’envol du papillon
Courage! petite! Nous pensons à toi!
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