( 21 mars, 2022 )

Être ou paraître sur Facebook

Rien n’est pire que ces réseaux sociaux quand on va mal, parce que inconsciemment, une norme s’est infiltrée, «  le bien-paraître-dépressif ». En deux mots, on a le droit de ne pas être bien, mais en remplissant certains critères ! On peut être mal à cause du covid, c’est même anormal d’être bien. On a le droit de ne pas aller bien à cause « de la guerre », c’est même pathologique d’aller bien. On peut se sentir angoissé à cause des élections qui approchent, le contraire pose vraiment souci, faut aller consulter. Mais on n’a absolument pas le droit de dire à un seul moment que l’on ne se sent pas dans son assiette, parce que cela fait désordre ! Untel nous dit souffrir de douleurs chroniques, et bien il n’a qu’à aller voir un toubib ! Bon sang, il y a plus grave ! Untelle est tout le temps fatiguée, et pourtant entre nous, elle ne fiche rien !  Elle n’a qu’à bouger son popotin !  Et cette autre qui ne dit rien, mais qui a les yeux embués de larmes, parce que sa vie est trop lourde, parce qu’elle a perdu confiance en la vie, en sa vie, quelle idiote, qu’elle aille voir un psy. Voilà ce qui se dit sur ces réseaux où la bienveillance s’est trouvée depuis plus de deux ans remplacée par la médisance, voilà ce que pensent ces gens qui n’ont rien d’autre à faire que de zieuter ou d’analyser la vie des autres.

Il y a les mots qui tuent, pires qu’un boulet de canon, il y a des relations qui détruisent bien pire qu’une guerre. J’entends cette souffrance et je suis de plus en plus impuissante, de plus en plus désabusée.  Que dire face à une personne qui se victimise sans cesse en disant « se sacrifier » pour autrui, alors que l’on sait tous que l’essence même du sacrifice serait à remettre en question.  Que dire de cet autre qui va mettre son compagnon ou sa compagne « à l’essai » comme si c’était un vulgaire objet que l’on pouvait  jeter s’il ne marche plus. Que de souffrance, je lis. Et puis il y a les pires, ceux qui volent l’espoir, ceux qui enlèvent le peu de joie qu’une personne continuait à attiser, simplement parce que cela lui offre un pouvoir illimité.

Voilà ce que sont les réseaux sociaux, voilà ce qu’ils sont devenus, voilà pourquoi je m’en protège de plus en plus, me contentant de naviguer sur quelques productions artistiques qui restent une bouffée de positivisme.

Les réseaux sociaux alternent entre le paraître ( je montre mon chien, mon chat, plus rarement mes gosses, quelquefois des coins de verdure, mais surtout je me plains de tout et de rien), et l’être ( qui suis-je vraiment derrière ce pseudo souvent sans photo ? Suis-je vraiment cette personne enjouée qui déborde de vitalité, mince, heureuse, avec un bon salaire qui vous fait voyager ? )

Alors toi, qui viens de passer une sale journée, qui t’es accroché avec ton abruti de patron, qui n’a pu bouger parce que tu as une jambe cassée, toi qui vis aux côtés d’un homme ou d’une femme qui ne te regarde plus, toi qui es si seul dans ce monde, tu ravales tes larmes, tu serres les dents et tu fais bonne figure, simplement parce que c’est cela les réseaux sociaux, tu n’as pas le droit de leur dire simplement : je vais mal et c’est grave, c’est grave pour moi !

Alors courage à tous ceux qui ont, qui auraient besoin d’un sourire sincère, de ce sourire qui leur est simplement refusé, parce que cela ne se fait pas dans ce monde où Facebook et compagnie décident de ce qui est grave ou non.

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