( 21 mars, 2022 )

Reconnaissance des maladies thyroïdiennes : les raisons

Comme le temps passe … cela fait huit ans que j’ai commencé à écrire pour aider les malades de la thyroïde, parce que j’étais moi-même malade, parce que je souffrais de cette intolérance médicale. J’ai donc écrit « Hashimoto, mon amour » un minuscule recueil qui a beaucoup aidé, l’édition a coulé, un autre livre l’a englouti, c’est la vie. L’important est que j’ai toujours levé le poing pour que ces maladies soient reconnues, toutes les pathologies thyroïdiennes, pour ceux qui en font la demande.

Mais comment ai-je vécu, moi,  cette épreuve ? Je reçois de nombreuses questions à ce sujet.  Je vais donc me dévoiler, car mon parcours est peut-être aussi celui de nombreux autres malades. Et s’il peut aider …

J’ai rencontré la maladie d’Hashimoto, un soir d’automne. Tombant de fatigue, le corps en vrac, l’esprit qui n’allait guère mieux, je me suis retrouvée chez mon médecin de l’époque. Je savais au fond de moi que quelque chose ne tournait pas rond. Je n’avais jamais été fatiguée de ma vie malgré cinq grossesses. Toujours levée à l’aube, pleine de tonus jusqu’au soir, rien ne m’arrêtait, rien ne pouvait se mettre en travers de ma route. De nature très optimiste, je résistais à la déprime et aux idées noires. En ce jour d’octobre, le temps s’est arrêté. Je n’arrivais plus à penser, à mémoriser, butant systématiquement sur mes mots. Le pire fut lorsque l’on me rapporta que je commençais sans en avoir conscience à mélanger les syllabes. Aucun doute n’était possible. Quelque chose ne tournait vraiment pas rond chez moi. Comme tout un chacun, je me suis plongée dans le glossaire de Google et des mots terribles comme « détérioration du cerveau » ou « cancer » me sautèrent au visage. Ce fut donc la peur au ventre que je me rendis chez mon médecin. Tous les malades en attente d’un verdict connaissent ce sentiment, cette angoisse qui donne une boule à l’estomac, qui rend presque fou. Le monde entier pourrait s’écrouler, il ne reste que cette peur. En attendant l’heure du rendez-vous, j’ai eu comme l’impression de me dédoubler, de marcher à côté de moi. Par chance, je suis tombée sur un bon médecin, compétent, efficace, je lui en serai éternellement reconnaissante même s’il marche aujourd’hui sur le fil du firmament. Il ne m’a pas fait traîner comme de nombreuses autres malades des mois et des mois, sautant de diagnostics en médicaments. Il fut efficace.

Ma surprise fut grande, ne repartant qu’avec une seule numération complète et un bilan thyroïdien sous le bras. L’attente, encore, des résultats fut éprouvante. Deux jours sans manger, deux jours à imaginer le pire. Lorsque je suis partie chercher mes analyses, le responsable du laboratoire m’a prise à part pour tout m’expliquer : une TSH élevée et des anticorps en masse, pas de cancer ─ première chose que j’avais demandée ─, juste Hashimoto. Bienvenue dans ma vie !

À partir de ce jour, on ne s’est plus quittées ! Je ne t’avais pas invitée et pourtant tu es restée. Voilà maintenant presque deux ans que cette maladie est devenue ma seconde peau. Elle m’a transformée en profondeur. Bien sûr, je garde toujours une grande fatigue souvent non prévisible, une fragilité et une sensibilité exacerbée que je n’avais pas avant. Bien sûr, je suis contrainte de prendre chaque matin mon traitement qu’il fasse beau ou mauvais, que je sois en vacances ou en activité. Bien sûr, tous les troubles liés à cette maladie n’ont pas totalement disparu ou reviennent parfois par crise, me prenant par surprise. Bien sûr que l’entourage ne comprend pas toujours. Les autres ne peuvent pas comprendre ce qu’ils vivent pas. C’est ainsi. J’ai mis longtemps à le comprendre. Ils ne peuvent comprendre car personne n’explique la vraie souffrance, celle des maladies invisibles.

Certes, nous avons, les traits un peu plus tirés, les cheveux moins fournis ou plus secs par périodes, quelques rondeurs en trop, mais qui s’en soucie ? C’est à l’intérieur que tout se joue. Au final, nous ne nous sentons pas compris mais qui peut comprendre cette maladie ? Notre souffrance nous appartient, elle nous est propre. Elle est invisible. Seules les personnes comme nous réagissent à nos angoisses, à nos craintes. Une fois que l’on croise la route d’Hashimoto,  c’est pour la vie. C’est un peu différent pour juste un dérèglement thyroïdien qui a la chance ce voir le bout du tunnel. Sauf cas exceptionnellement rares, les maladies auto-immunes sont des maladies irréversibles. Une thyroïde détruite a peu de chance de se reconstituer, ce qui n’est pas simple à accepter J’ai volontairement omis le côté psychologique. Certaines personnes, nous l’avons vu dans les témoignages, sont reconnues dépressives, parfois et c’est bien pire : folles, alors que le seul problème est un dysfonctionnement de leur glande.

Survivante de la perte d’un enfant puis d’un divorce, je me suis toujours considérée comme invincible. J’aurais pu devenir dépressive depuis des lustres ; au lieu de cela j’ai toujours été passionnément amoureuse de la vie, toujours convaincue que le meilleur reste à venir. Et voilà que d’un seul coup, mon corps me lâche. J’ai oublié de préciser qu’étant allergique à l’iode, j’étais régulièrement surveillée depuis ma première grossesse par ma gynécologue, que je remercie aussi. Quelques mois plus tôt, ma TSH était tout ce qu’il y avait de plus normale et je ne ressentais aucune fatigue. Seulement la vie n’est pas toujours ce que nous voulons. Suite à une violente agression psychologique sur mon lieu de travail, à laquelle je n’étais nullement préparée, je me suis retrouvée désœuvrée. Je ne comprenais plus rien. Mon corps a dit de lui-même « stop » à ma place, c’était trop lourd pour lui. La frontière entre le corps et le psychologique reste très mince. Je voulais savoir « le pourquoi ». Je n’ai su que « le parce que ». Je m’autodétruisais parce que je n’avais pas pu supporter cette haine à mon encontre. Je m’étais déclenché une maladie auto-immune nommée Hashimoto. Agressée dans mon « moi » le plus profond, dans ce que j’étais, j’ai choisi de me détruire, peut-être pour m’offrir un havre de paix en donnant raison aux propos malveillants. Mon traitement m’a rapidement procuré un bien-être. Seulement la route fut longue pour me reconstruire. J’ai eu du mal à accepter cet état de fait. J’étais responsable des effets négatifs sur mon corps. Même si la cause était « ailleurs », je n’aurais jamais dû prendre, à cœur, les remarques malveillantes. J’avais, à cause de ces mots, perdu confiance en moi. La maladie n’a eu aucun mal à s’infiltrer dans la faille ouverte. L’acceptation d’une maladie est identique à l’acceptation d’un deuil. Je m’en suis voulu. Je me suis détestée d’avoir été si faible. J’en ai voulu à tous les protagonistes de s’être infiltrés dans ma vie sans mon accord, à tous ceux qui ont provoqué cette blessure ouverte. Je me suis détruite par excès de confiance dans l’humanité des autres. J’étais en colère et cette colère détruisait ma glande petit à petit, la réduisant à néant. J’ai perdu 70 % de ma thyroïde en un claquement de doigts. Le temps reste notre meilleure carte. J’ai mis du baume sur les plaies et choisi, non d’oublier, mais simplement d’accepter l’évidence. On ne peut rien changer à ce qui fut, on ne peut pas non plus tout comprendre, tout expliquer. Il y a des mystères qu’il vaut mieux ne jamais voir éclaircis. Il ne faut garder que le meilleur, ce qui ne veut pas dire pour autant effacer le reste, juste ranger dans un coin de nos mémoires cette triste expérience.

Mon histoire aurait pu être celle de Basedow, de ce malade dont on a enlevé la thyroïde, de cette post partum déréglée, peu importe, nous avons tous des similitudes. Cette maladie m’a imposé de stopper mon travail car je n’étais plus assez réactive, et sans reconnaissance de cette maladie, je suis partie les poches vides, sans pouvoir payer des médicaments ( souvent non remboursés) et j’en passe. Peu importe le pourquoi de la maladie, pour moi, ayant fait les tests génétiques pour une autre maladie, elle n’est pas inscrite dans mon hérédité. Latente, peut-être, à cause des pesticides, mais déclenchée par la violence humaine. C’est mon cas, mon histoire, chacun la sienne.

Voilà pourquoi je me bats, plus pour moi, j’ai 61 ans et fait mon temps, pour VOUS les jeunes et ceux en activité  qui allez avoir des années à vivre avec une étiquette que vous n’avez pas choisie.

Ensemble pour une vraie reconnaissance !

Courage à tous mes papillons !

Pour ceux que cela intéresse, le lien pour dossier refusé à 98% car pas de reconnaissance :

https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1650?fbclid=IwAR3lM90pJJEWxIgP0pITiZ6MLPIkBJVgySlSxGN0rKnSkQg26slJI3OPw0w#:~:text=Vous%20pouvez%20obtenir%20la%20RQTH,de%20plus%20de%2016%20ans

 

Mon livre sur la thyroïde toujours disponible mais peut-être plus pour longtemps …

https://www.amazon.fr/Maladies-thyroïdiennes-Dévoreuses-Sylvie-Grignon/dp/B07DY2C221

 

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7 Commentaires à “ Reconnaissance des maladies thyroïdiennes : les raisons ” »

  1. Bernier dit :

    Bonjour
    Je viens de lire votre joli.texte

    Merci.de.ce.partage mon dieu que je me reconnais.en vous ! J.ai le même.age et vécu aussi le traumatisme au travail par des jeunes collègues qui m ont.detruite.. j ai.combattu pendant 1.an.. j ai ete obligee d.arreter mon.traitement car le.nouveau levo ne me convenait pas..et je suis.descendue.tres bas.
    sans est suivi.burn out et rupture conventionnelle mais surtout des sensations très étranges dans le.corps a chaque.battement.cardiaque..mon.coeur.bat trop fort et je sens le flux.se repandre.partout.. je suis rouee de coups en.permanence
    au debut.c.etait l.enfer impossible de dormir c.est ainsi depuis.4.ans.et demi et personne.ne.comprend.. j ai.repris.de la.L thyroxine c.est devenu plus supportable mais.toujours là
    j ai Hashimoto.depuis la.cinquantaine..
    Encore.merci à vous
    Belle journée
    Elisabeth

  2. Dubois dit :

    Bravo, vous avez tout dit ! J ai aussi basedow et c est difficile d être compris. J ai lancé une pétition au sujet de la reconnaissance. Vous pouvez signer et partager si vous le souhaitez. Merci

  3. Carole Maintenant dit :

    Merci pour ce beau témoignage. Cela fait du bien au moral de voir que l’on n’est pas seuls. C’est tellement difficile, comme vous le dites si bien, de voir que ceux qui ne sont pas malades ne nous comprennent pas.
    Bonne journée à vous
    Carole.

  4. Michèle dit :

    Merci Sylvie pour cet article qui « parle » tant.

  5. Choukette ang dit :

    Enfin merci des mots dans lesquels je me suis retrouver moi qui pense être folle avec un suivi psychatrique merci pouvant même pas travailler donc pas de vie sociale et j accepte pas d’être autant diminuée sa fait flipper pffff

  6. LÉTON dit :

    Bonjour
    J’ai lu et cela me donne la force pour continuer,depuis 31 ans que je suis sous traitement pour ma thyroïde, la BASEDOW.Cela à gâcher ma vie .J’avais demandé à mon médecin pour mettre à 100% .Cela n’as pas été reconnue. J’ai eu en 2017 avec la nouvelle formule du levothyrox des effets indésirables, c’était très très dure pour ma thyroïde. Votre article est très bien

  7. Bella dit :

    Bonjour je trouve votre article très émouvant jai 33ans et je vis avec Basedow depuis maintenant 7ans depuis ce jour ma vie a changer mon corps et mon esprit aussi il y’a des jours ou je ne me reconnais pas ! Pas facile ts les jours surtout avec un enfant de 10 mois et des proches qui ne comprennent pas toujours mes comportements qui sont du à cette maladie qui me ronge de l’intérieur..

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