Enseigner est chronophage
Avec la grève de jeudi qui se profile, les remarques négatives affluent : « Les enseignants, tous des feignants ! » Toujours difficile de changer les idées reçues et les mentalités, et pourtant nécessaire. Tellement simple de juger ce que l’on ne connaît pas, une image simplement véhiculée.
Maintenant que cette profession est loin derrière moi, je m’autorise à en tirer des leçons.
Tout d’abord, si on a choisi ce métier, c’est qu’on l’aime, que l’on aime les enfants, sinon mieux vaut immédiatement choisir une autre orientation, parce qu’être enseignant, ce n’est pas Peace and Love.
Ah, oui, j’oubliais ! Les enseignants ont le mercredi, les vacances et finissent tôt. Que de fois je l’ai entendu cette phrase durant plus de trente ans. « Toi tu as de la chance ! Tu as un métier peinard. » À se demander pourquoi avec un boulot si facile les candidats sont si peu nombreux au concours de prof des écoles ! Faut-il parler aussi des heures de préparation ( car si on a une classe, on n’arrive pas comme une secrétaire les mains dans les poches), tout doit été expliqué, préparé avec soin, minutieusement, minute par minute. Et ensuite, les corrections, on en parle ? Ayant fait des CM2, je me suis farcie plus de 3 heures chaque jour samedi inclus pour corriger la moindre faute d’orthographe. Un respect vis à vis des élèves. Après aujourd’hui, on nous reparle des dictées. J’en ris, en ayant fait quotidiennement durant vingt ans, des dictées réfléchies qui ont majoritairement portées leurs fruits. Doit-on parler des projets qui bouffent 80% des vacances scolaires, des réunions le soir dites pédagogiques ou de cycle, des APC pondus dans les années 2005 en plus, histoire de récupérer les enfants en difficulté, les heures pour préparer les livrets, pour rencontrer les parents ( et croyez-moi, j’ai eu des cas qui ne partaient plus de ma classe, installés comme chez un psy alors que mon fils m’attendait à la maison)
Car oui, enseigner est chronophage, cela bouffe notre vie familiale. Être « maîtresse » n’est pas une bénédiction pour les enfants, pour le Chéri non plus. Avant, j’ai travaillé dans le privé. Je faisais huit heures non stop, mais chez moi, je pouvais être une maman, une femme. Durant plus de vingt-sept ans, j’avais perdu « mon identité » au profit de l’étiquette « maîtresse » que je trimballais partout. Enseigner est un beau métier, mais avec le recul de la retraite, je pense que j’ai sacrifié des moments précieux que j’aurais pu, du, passer avec mes enfants.
Alors enseigner encore à 70 ans ( vu le nombre d’annuités à avoir et la longueur des «études) est-ce jouable ? Oui dirons certains puisque ces fainéants ont les vacances scolaires ! Oui diront d’autres parce que c’est tout « mignon » un enfant !
Moi, je dis NON !
Et pour ceux qui jugent, critiquent les enseignants, prenez leur place un mois, juste un mois, et on en reparle ?
Quant aux parents, qu’ils apprennent déjà à bien élever leurs gamins parce que ce n’est pas vraiment le rôle de l’école !
Absolument d’accord!
Mais derrière les critiques se cache une jalousie: combien, cinquante ans plus tard récoltent encore des « merci »?
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