Ces derniers temps, on peut lire partout « Les auteurs meurent », parce qu’effectivement, le milieu littéraire est en danger. On ne parle ni du potentiel que chaque plume possède ni des éditions, mais juste du petit auteur caché derrière tous les romans. Il ne m’a pas fallu longtemps pour comprendre que l’on ne peut pas être riche dans ce milieu sauf si on est le copain de untel, si on a la chance diabolique d’avoir tapé dans l’oeil de Gertrude, si on a par miracle notre manuscrit s’est retrouvé en haut d’une pile grâce à une secrétaire d’un grand éditeuf qui n’a pas bien rangé. Sinon, c’est mort ! Il suffit de jeter un coup d’oeil sur le milieu, hormis les « grands » écrivains qui ne bossent plus, la plupart des plumes sont des retraités, des vieux rentiers, des enseignants, avocats, continuant de travailler, des mères de famille, bref on est loin des écrivains sirotant leur cocktail au bord d’une piscine.
Lorsque j’ai côtoyé le monde de l’édition, j’ai d’abord été frappée par l’étalage de richesse, ces éditeurs qui reçoivent dans des restaurants hors de prix, qui manient la coupe de champagne comme moi le verre d’eau. Le paraître, l’importance de l’image. Je l’ai vécue.
Je ne me suis pas sentie à ma place dans ce luxe, moi la petite plume qui n’aspirais qu’à être lue. J’étais regardée comme un animal étrange. Je travaillais dans ce monde curieux peuplé d’enfants, et j’arrivais pourtant à écrire. Parcours obligatoire allez-vous me dire pour vendre ? Pas du tout, j’en suis sortie, et je vends toujours mes bouquins.
Je ne supporte pas les « faux amis » trop fréquents dans ce milieu, ces compliments dits sans regarder dans les yeux, juste pour montrer que …, ces « je t’aime, ma chérie » qui sonnaient aussi faux qu’une casserole. Pourrais-je vivre de mes écrits si j’avais accepté de me plier aux règles ? Peut-être … un prix littéraire est souvent lié à un copinage savant entre jury, auteur et éditeur.
D’après, l’Agessa, la Sécurité sociale des auteurs, traducteurs et illustrateurs, il y a moins de 1700 plumitifs qui déclarent plus de 7300 euros de revenus par an. On parle de quelques centaines d’auteurs qui touchent 20 000€ par an. J’en suis à des années-lumière, peut-être parce qu’effectivement, ayant un vrai salaire, je ne cherche pas non plus à vendre plus. Je me demande tout de même si tous les auteurs que je croise sur les réseaux sociaux atteignent cette moyenne et surtout quels auteurs furent choisis pour de telles statistiques.
Pourquoi les auteurs ne peuvent-ils vivre de leurs écrits ? Tout d’abord parce que si on n’a pas un job ailleurs, on se retrouve avec des frais de mutuelle exorbitants, d’assurance aussi, parce que les cotisations sont énormes, parce que le revenu n’est pas fixe comme un salaire, mais aléatoire selon les ventes.
Donc jeunes auteurs, ne visez pas la lune ! Une poignée d’auteurs feront un best-seller, mais les autres devront travailler. N’oubliez pas que la seule rémunération reste les droits d’auteurs, et que même sur une fourchette de mille livres, la somme finale ne se conjuguera pas en millions.
Décevant ? Je sais ! Moi aussi j’ai cru à mes débuts aux promesses d’une maison d’édition qui me faisait miroiter des interviews, des ventes par milliers, et je n’ai jamais rien vu de tout cela, moi aussi j’avais rêvé de ma maison face à la mer pour écrire les aventures d’Antoine Bourgnon, mais bon, il faut se faire une raison. Un livre coûte cher à la diffusion, et il n’en reste pas grand chose à l’arrivée.
Peut-être au fond suis-je une chanceuse ? J’ai la plume facile, des livres qui se vendent, un salaire qui tombe tous les mois, et la perspective d’une pré-retraite me permettant dans douze mois de toucher une pension ( même si elle ne sera pas celle d’un ministre) et de pouvoir enfin vivre complètement de ma passion.
Si ce n’est pas le bonheur, ça, cela y ressemble !