Le cancer thyroïdien.
Vous avez été très nombreux à lire Maladies thyroïdiennes, dévoreuses de vie, et certains ont pointé un manque « le cancer de la thyroïde ». Consciente de cette lacune, qui pour des raisons compliquées, du manque de témoignages, n’avait pu être comblée, j’ai décidé de publier cet article afin que cette reconnaissance de la maladie ne laisse personne sur le trottoir.
Vivre avec un problème de thyroïde, une absence de thyroïde, s’avère un parcours du combattant. Même souffrance. Même incompréhension.
Je vous laisse l’histoire d’une femme que l’on va appeler Jennifer, 48 ans, maman d’un garçon de 18 ans et qui souhaite garder l’anonymat.
Tout débute en 2017 par une mini grosseur, trouvée par hasard, à la base du cou. Pas d’affolement ! Jennifer ne panique pas. Elle va en parler à son médecin traitant lors de son prochain rendez-vous. Ce dernier, quelque temps plus tard, va confirmer, il y a bien quelque chose, peut-être un nodule, un kyste ou un lipome ? Rien de grave ! Il prescrit à Jennifer une échographie, juste pour voir. Le praticien lors de l’échographie parle de nodule hyper echogene. Jennifer est un peu inquiète ce qui est normal, mais vite rassurée par le médecin qui lui parle de cyto ponction. Rendez-vous pris. Un anesthésique local est prescrit. Le jour J, Jennifer arrive stressée, ce qui est tout à fait logique. Qui ne le serait pas ? Le médecin pratiquant la ponction est hautain, refuse de faire l’anesthésie locale, et frime devant une jeune infirmière qui assiste pour la première fois à cet examen. Il « joue » avec l’aiguille plantée dans le nodule en disant : « Vous voyez sur l’écran ce qui bouge ? Et bien, c’est l’aiguille ! »
Au bout de deux ponctions, c’est fini ! Jennifer paie l’examen, et rentre abasourdie sans en savoir plus. Aucun compte-rendu ne lui fut remis. Le résultat de la cyto ponction fut rapide, beaucoup d’hématies, rien de vraiment défini. L’examen ne montre rien de méchant, seulement la boule continue de grossir. Jennifer demande à son médecin de l’orienter vers un chirurgien afin d’avoir un avis et d’enlever ce nodule. Elle va tomber sur un chirurgien du vasculaire et thoracique qui après deux heures d’attente va enfin l’examiner. Il accepte l’opération non sans rappeler les risques : 97% de chance que ce soit bénin et 3% de chance que ce soit malin.
Le rendez-vous est pris. L’exérène aura lieu fin mai. Il ne va enlever que l’isthme où se trouve le nodule. À son réveil, on confirme à Jennifer que seul l’isthme fut enlevé car l’examen ex temporané réalisé pendant l’intervention a montré que le nodule était bénin.
Jennifer rentre chez elle le soir même et a un rendez-vous de contrôle six semaines plus tard pour les résultats définitifs de l’ana path. Le chirurgien rassure sa patiente en lui disant que si il y a un cancer, il la rappellera ! Le lendemain de l’opération, il rappelle Jennifer dont le sang ne fait qu’un tour. Soulagement ! C’est juste pour prendre de ses nouvelles car elle était en ambulatoire ! « Trop sérieux ce chirurgien! » se dit-elle.
Les jours puis les semaines passent, aucune nouvelle des résultats, donc Jennifer se rend sereine à son rendez-vous. Comme toujours à l ‘hôpital, beaucoup d’attente, puis lorsque c’est son tour, le chirurgien lui annonce d’emblée « Il y a un cancer ! »
Un peu violent ! Jennifer panique, pose pleins de questions. L’homme lui parle d’ Eugene Marquis, de possible cure d iode ,de thyroidectomie de curage. Quand Jennifer pose la question que chacun se serait pisé « Est-ce que le cancer s’est étendu ? » , le chirurgien se moque d’elle ! Jennifer étant venue seule et confiante à ce rendez-vous, en ressort bouleversée et une fois chez elle, pleure.
Jennifer fête son anniversaire sans grande joie. Elle ne sait rien, on ne lui dit rien et elle va passer l’été à surfer sur Internet pour trouver la réponse à ses questions que les médecins auraient dû lui fournir ! Tout ce qu’elle lit ne fait que monter son a,gousse. La seule chose qu’elle sait, elle retourne au bloc en Septembre !
Jennifer travaille en milieu hospitalier et pourtant certains collègues n’hésitent pas à lui dire : « Mieux vaut ça qu’un décès » ou « C’est un petit cancer » , comme si au passage il existait une hiérarchie dans les cancers !
Jennifer n’avait qu’une envie, leur hurler que son cancer était peut-être « petit » mais qu’elle le vivait, et qu’ils n’étaient pas à sa place à elle.
Peut-être ces collègues se rassuraient-ils indirectement ? Peur d’être touchés un jour ?
D’autres lui suggéraient de travailler plutôt que d’être en mise en ALD sans réfléchir que pour aider d’autres malades, il faut être soi-même bien …
Le jour J arrive ! Bloc vers 9h30, retour vers 16h. Le passage en salle de réveil fut long.
Jennifer fut mise le lendemain sous Levothyrox nouvelle formule avec un chirurgien rassurant, argumentant que le médicament ne posera aucun problème, même si les souciés à la NF était déjà d’actualité.
Les mois suivants, l’état de Jennifer ne s’aléliore pas. Le médecin du travail pense au médicament et ce dernier est changé. La TSH, elle, reste problématique. Jennifer est seule, sans soutien, le chirurgien refuse qu’un endocrinologue la suive. On peut se demander pourquoi au passage !
Cette maladie est méconnue voire inconnue pour beaucoup et Jennifer en fait les frais.
Jennifer décide, grâce à la ligue contre le cancer de faire du yoga, change de médicament alternatif, et continue pourtant de faire du yoyo entre 0,2 et 4.
Elle reprend son travail et se heurte à l’incompréhension des autres face à cette maladie invisible qui génère une véritable souffrance mais ne se voit pas. Pour ses collègues, pourtant des soignants, un cancer sans chimio, ce n’est rien ! Et pourtant Jennifer n’est plus la même, son corps est bouleversé, elle oscille entre fatigue, insomnie, tachycardie, sautes d’humeur dont elle se sent coupable tout en tentant de faire bonne figure au travail.
Pour couronner le tout, un an après l’opération, elle fait une allergie au traitement et doit encore changer de médicament, quatrième traitement de substitution !
Aujourd’hui, elle en est au point mort, toujours avec cet effet yoyo, avec même un pic de TSH à 8. Jennifer n’est plus la même, et pourtant cela ne se voit pas. Elle passe par des périodes de grandes fatigues, de crises de tachycardie …
Une fois encore les médecins qu’elle rencontre écoutent, mais n’entendent pas, peut-être simplement parce qu’ils ne savent pas, mais le dire soulagerait certainement plutôt que de laisser penser que tout va bien !
Une fois encore Jennifer, comme pour beaucoup d’entre nous, se retrouve avec des collègues qui assimilent les maladies thyroïdiennes à maladies psys comme bi polaires.
Alors non ! Un malade ayant subi l’ablation de la thyroïde se retrouve avec un terrible déséquilibre et si son caractère change, s’il est soudain fatigué, s’il va bien un jour et le lendemain ne peut plus, ce n’est pas qu’il le fait exprès, ce n’est pas qu’il est psychotique, c’est juste que cette fichue glande, indispensable à l’organisme, ne peut plus faire son travail ! Vous qui n’avez pas eu ce type de cancer, comment osez-vous ainsi juger, trancher ? Comment pouvez-vous savoir ce qui se passe dans son corps ?
Certaines personnes auront la chance de pouvoir trouver un rééquilibrage rapide, d’autres vont mettre des mois voire des années. C’est cette différence qui impose une véritable reconnaissance ! Respect, tolérance et compréhension, il serait temps que les mentalités changent enfin !